top of page

 

13 juillet 2013.

​

​

 

Il est onze heures du matin, une brise lourde et moite enveloppe le cimetière et ses âmes en peine. Autour d’un cercueil de bois verni, une foule de tissus noirs s’épanche, se répand en larmes salées et discours éloquents. Des enfants hoquettent, la tête enfoncée dans le ventre tremblant de leur mère; des mères hurlent en silence, luttant pour que leurs jambes chagrines ne se brisent pas devant leur mari; et des maris plissent les lèvres, ravalant ces milliers de sanglots qui leur tranchent la gorge, pour ne pas perdre la face. Le poids de la chaleur estivale se mêle à celui du deuil, l’odeur des fleurs autour du défunt et sur les tombes voisines se mêle à celle de la mort. Il est onze heures du matin, Arman Finch est mis en terre.

 

Au plus près du cercueil se tient une femme. C’est Olga aux cheveux bruns, l’épouse d’Arman, Olga et ses dix-neuf ans seulement, dix-neuf ans et déjà veuve d’un mari. Elle est juchée sur de hauts talons noirs, qui s’enlisent dans l’herbe et la terre humide. Ses jambes maigres et résolues s’élancent sous une robe fine et serrée, sa taille est immobile, sa posture hiératique et glaciale. Sous un visage de cire et des lèvres de sang, il y a Olga la brune, celle qu’on appelle désespérance, et celle qui désespère de défaire le monde, un monde fait d’ombres, et de cendres dans le ciel, et d’une lune éternelle, et de nuits sans amour. Autour d’elle, tout le monde pleure, autour d’elle, tout le monde supplie, autour d’elle, tout le monde est en deuil. Mais Olga est là et reste de marbre. Elle ne pleure pas. Elle ne pleure pas parce qu’elle n’est pas triste. Elle n’est pas triste parce qu’elle ne ressent rien.

66df783270c1e6a003dc3551002dd2bb.jpg
large (2).png
bottom of page